Menu

Une lettre signée Herb Lubalin.

Dans le paysage graphique, où les formes deviennent langage, le nom de Herb Lubalin s'élève comme un artiste singulier. À la fois magicien du détail et visionnaire typographique, il n’a pas simplement dessiné des polices : il a donné aux mots un pouvoir qu’aucun autre créateur n’avait osé imaginer. Par son œuvre, il a redéfini les modes du design de la seconde moitié du XXe siècle et influencé des générations qui voient en lui une source d’inspiration infinie.

Une vocation depuis toujours

Né en 1918 dans une famille modeste de New York, Herb Lubalin découvre dès son plus jeune âge une fascination pour le dessin et la structure visuelle des mots. De nature plutôt introvertie, il trouve dans l’art une manière d’exprimer l’inexprimable, et de faire des lettres une réelle expérience sensorielle. En 1935, Herbert, de son vrai nom, s’inscrit à la Cooper Union, une école réputée pour sa formation artistique. C’est là qu’il fait la rencontre des formes, des contre-formes, et des interstices entre les caractères qui deviendront très vite le centre de toutes ses ambitions.

Son diplôme en poche, il commence sa carrière à une époque où la publicité est au cœur de toutes les affaires new yorkaises. Dans ces bureaux, où concepts accrocheurs et slogans tapageurs s’entremêlent, il affine son œil de typographe, apprend à détourner l’usage normatif des lettres. Herb Lubalin n’est pas intéressé par la conformité. Il cherche des moyens de surprendre, de provoquer, d’inciter à la réflexion. Ses premières créations sont marquées par une audace discrète mais innovante.


Des mots qui bousculent

C’est dans les années 1960 et 1970, alors que le monde est secoué par des mouvements sociaux et culturels bouillants, que Lubalin s’impose véritablement comme un pionnier. Pour lui, la typographie est surtout une question de sens. Il devient célèbre pour sa capacité à transgresser les normes, à tordre les règles de la composition pour servir des messages sociétaux. Il s’attaque à des thématiques polémiques, comme l’égalité raciale, la sexualité et la liberté d’expression. C’est à travers ces créations qu’il révèle un talent pour rendre les lettres aussi puissantes qu’un discours.

En 1964, il fonde sa propre agence de création, Herb Lubalin Inc. avec pour objectif de repousser encore davantage les limites de la typographie. Sa collaboration avec Ralph Ginzburg, journaliste et éditeur, aboutit à la création de trois magazines : Eros, Fact et Avant Garde. Chaque publication, dans son esthétique et son contenu, est un manifeste. Eros, dédié à l’érotisme, est aussitôt controversé. Fact, qui questionne les valeurs américaines, choque par son ton incisif. Et Avant Garde, avec son nom provocateur, devient un laboratoire de style où Lubalin donne libre cours à sa créativité.

L’avant-gardiste intemporel


Avec Avant Garde, Herb Lubalin offre au monde l’une de ses œuvres les plus emblématiques : la police de caractères Avant Garde Gothic. Ce caractère, issu de l’interaction entre les lettres du logo du magazine, est une révolution. Art Déco mais moderne et épuré, aux espaces surprenants et inattendus mais géométriquement parfait et à la cohésion visuelle unique. C’est dans cette simplicité apparente que réside tout le génie de Lubalin.

« Dans chaque caractère, je veux que les gens sentent l’émotion. Pas seulement les mots, mais la danse des formes et des espaces qui composent ces mots. »

Avant Garde Gothic n’est pas un simple ensemble de lettres, c’est une invitation à la contemplation et à la réflexion. Les ligatures exubérantes, presque ludiques, capturent l’œil et réinventent la lecture. Les lettres se chevauchent, s’entrelacent, s’étreignent comme dans un ballet. Chaque composition devient une sorte de métaphore visuelle. Et cette police est victime de son propre succès. Elle sera détournée et galvaudée, perdant presque un peu de son essence. Lubalin dira plus tard, non sans ironie, qu’il avait créé la typographie la plus aimée et la plus mal comprise de notre époque.

Une typographie bavarde

Pour Herb Lubalin, la typographie ne se limite pas à transmettre une information : Elle est une extension du langage. Sa fascination pour le potentiel expressif des lettres le conduit à expérimenter sans relâche cet art pour insuffler une émotion ou une pensée. Il joue des espaces négatifs, de la superposition des lettres, des asymétries. En cela, il est autant poète que designer, et utilise la géométrie des caractères comme un moyen de bouleverser le lecteur.

Une anecdote célèbre montre à quel point Lubalin prenait chaque projet à cœur. Lors d’un travail pour une couverture de livre, il a passé des heures à ajuster la lettre « O », affirmant que l’écart minuscule autour d’elle allait transformer la perception du lecteur. 

« Ce que vous laissez de côté est tout aussi important que ce que vous montrez. » 

Sa recherche du détail et de la perfection le menait à explorer des solutions inédites, comme la création de formes hybrides entre plusieurs caractères, aux contrastes subtils qui ajoutaient profondeur et mystère.

Un héritage éloquent

Herb Lubalin décède en 1981, mais son empreinte demeure indélébile. Son approche radicale de la typographie continue d’inspirer les designers du monde entier. Il a su montrer qu’une typographie n’est pas une simple manière d’agencer les mots, mais une manière de les transcender. Dans un monde où l’image prend de plus en plus le pas sur le texte, le travail de Lubalin rappelle la puissance intrinsèque de la lettre, de ce signe visuel qui, par la magie d’un trait ou d’un espace, devient un vecteur d’émotions.

Dans la typographie contemporaine, son influence est partout : du minimalisme élégant des grandes marques aux magazines culturels audacieux, son esprit persiste. Il a ouvert une voie inédite, où la typographie n’est jamais une contrainte, mais une liberté.

« La typographie, c’est de la pensée rendue visible. » 

Et dans cette pensée, il a su inscrire les rêves, les doutes, et les révoltes de son époque – une époque où chacune de ses créations exprimaient l’énergie d’un monde en transformation.

Eyes on it !

2 min de lecture
Carolyn Davidson, la vie secrète d’une graphiste mondialement connue.
Carolyn Davidson. Ce nom ne vous dit peut-être rien. Pourtant, vous la connaissez bien. Elle a étudié le design graphique à l’Université de Portland, aux États-Unis. C’est ici qu’elle a rencontré Phil Knight, son professeur de comptabilité, qui est également...
Lire la suite
3 min de lecture
Essor de l’intelligence artificielle : L’impact du design génératif.
Les intelligences artificielles connaissent maintenant un véritable succès. Dans la globalité de l’expression créative, on la retrouve un peu partout et, du côté des professionnels de la communication et du design, on s’enthousiasme autant que l’on s’interroge. Ces technologies récentes...
Lire la suite
2 min de lecture
Le célèbre New Yorkais, Milton Glaser.
Milton Glaser, New Yorkais de naissance, était un amoureux de la culture populaire américaine. Formé à la Cooper Union Art School de 1948 à 1951 et à l'académie des Beaux-Arts de Bologne, il devient ensuite l’un des plus célèbres graphistes...
Lire la suite

Une équipe passionnée, dévouée à donner vie à vos idées et à vous aider à atteindre vos objectifs avec style et originalité.